meteorite

Le 26 décembre 1931, la pianiste Catherine de Sélys se produisait au Conservatoire de Musique de Naples, lorsqu’une coulée de lave — due à une soudaine éruption du Vésuve — engloutit la salle tout entière. Miraculeusement épargnée grâce à la position élevée de la scène, Catherine fut la seule survivante.
Un an plus tard, revenant sur les lieux du sinistre pour participer à un concert de charité destiné aux familles des victimes, Catherine insista pour que l’on organise un deuxième récital, exclusivement réservé aux victimes elles-mêmes, qui, surprises par la lave, n’avaient pas eu l’occasion d’assister à la fin de sa prestation.
Catherine fut tellement convaincante que les organisateurs entreprirent de mouler dans la lave chacun des spectateurs tels qu’ils se tenaient au moment du drame.
Lorsque Catherine retrouva, fidèlement reconstituée, la salle qu’elle avait quittée en catastrophe un an auparavant, elle contempla avec émotion ceux qui furent son public. C’était la première fois qu’elle pouvait observer si intensément l’attitude de ses auditeurs au beau milieu d’un de ses concerts. Certains semblaient avoir été complètement captivés par son interprétation ; mais l’expression un peu hautaine, d’une prétention convenue, qui se dégageait d’eux lassa rapidement Catherine. Par contre, ceux que sa musique n’avait pas bouleversés et qui pour tuer le temps regardaient autour d’eux, avaient pu voir arriver la catastrophe ; et tout, dans leur bouche tordue, leurs bras tendus, leurs yeux exorbités, correspondait à l’attitude qu’elle avait toujours espéré provoquer chez un auditeur.
A partir de ce jour, Catherine se lança dans d’interminables concerts où, grâce à la nonchalance de son jeu, elle atteignit une telle qualité d’ennui chez les spectateurs qu’au moindre incident imprévu, ceux-ci parvenaient à libérer leur âme de passions insoupçonnées.