journalOskar78

Sandor Ferenczy

Au printemps 1937, Oskar Serti fut appelé à Hollywood par la Metro-Goldwyn-Mayer pour réaliser un film sur les amours passionnées de Sandor Ferenczy (Miskolc, 1873 - ?, 1933). Après trois années de travail intensif, Serti acheva enfin son film, qui retraçait dans ses moindres détails la vie mouvementée du célèbre pionnier hongrois de la psychanalyse.
Mais, lors de l’avant première, les producteurs refusèrent de distribuer un film de plus de sept heures et sommèrent Oskar Serti de le réduire à un maximum de deux heures dix minutes.
Oskar Serti ne pouvait accepter de voir son oeuvre ainsi amputée pour une simple question de minutage. Après le départ des producteurs, il resta seul en salle de projection pour visionner une dernière fois son film dans l’état où il l’avait conçu. Il en profita au passage pour photographier l’écran avec un appareil dont le temps de pose correspondait à la durée de son film. Après quoi, il détruisit toutes les copies existantes de son film.
Le lendemain, il laissa sur le bureau des producteurs un exemplaire de la photographie de son film, en leur signifiant qu’elle constituait le seul résumé valable de son oeuvre.

 
journalOskar79

Les antennes

Lorsqu’il apprit que le service télévision de la BBC diffuserait chaque mois de l’année 1935 un récital de piano interprété par Catherine de Sélys, Oskar Serti ne put s’empêcher de se procurer aussitôt un poste récepteur.
Malheureusement, la qualité des images s’avéra particulièrement décevante : soit l’image de Catherine se perdait dans un épais brouillard, soit il était impossible de la maintenir en place. Malgré le fait qu’à cette époque, les antennes n’étaient pas parfaitement isolées du courant, jamais Serti n’hésita à jouer avec elles pour empêcher Catherine de lui échapper. Sans vraiment se l’avouer, il éprouvait même un certain plaisir à être aux prises avec ces bras métalliques qui, à chaque mouvement, lui faisaient apparaître une vision nouvelle de Catherine.
Un soir de juillet, sous l’effet d’une décharge électrique, Serti connut soudain un instant de grâce qui le secoua de la tête aux pieds : la musique diaphane de Catherine se répandait dans la pièce, et même si son image venait de quitter l’écran, de ses doigts agrippés à l’antenne, il eut l’impression de toucher enfin son âme.
Lorsque le récital s’acheva, Serti ne put retirer les mains de l’antenne ; mais à travers les courbes généreuses des tiges tordues par l’émotion, ce n’était plus que le corps de Catherine qu’il caressait frénétiquement sous les yeux brouillés du présentateur annonçant la suite des programmes.