Albertine la baleine voguait heureuse sur toutes les mers du globe, l’hiver dans les mers du Sud, les étés trop chauds dans celles du Nord.
Puis un jour de ciel noir, un vieux marin la prit en chasse et lui planta un harpon dans le dos. Mais il était si vieux que le fil du harpon lui fila entre les mains, fouetta violemment son visage et disparut dans la mer en emportant ses lunettes. Même si elle avait réussi à se libérer, Albertine vivait désormais avec un harpon douloureux dans le dos.
Pour se consoler, elle chercha à retrouver la mer de son enfance.
Pendant des mois, elle parcourut toutes les mers du globe. Mais en vain.
Elle chercha à comprendre pourquoi elle ne la trouvait pas.

Un jour de ciel bas, elle découvrit un “livre d’explication du monde”. Il avait été abandonné dans la cabine d’un bateau gisant au fond des flots. Grâce au lunettes qui étaient toujours accrochées au fil du harpon, elle parvint à lire.
Elle y apprit que “l’eau de la mer s’évapore sous forme de nuages qui souvent se déversent en pluie au-dessus de la terre.” Ainsi, la mer de son enfance s’était évaporée pour aller sur la terre. Albertine ferma le livre et prit la direction de la terre la plus proche. Elle s’échoua sur le sable, sans plus bouger.
Soudain, elle sentit qu’on la heurtait. C’était un vieux marin au visage balafré qui s’était perdu sur la plage. Il ne parvenait plus à retrouver son chemin depuis qu’il avait perdu ses lunettes au cours d’une chasse à la baleine.

Par miracle, il retrouva ses lunettes au bout du harpon d’Albertine.
Croyant qu’elle avait fait tout ce chemin pour les lui rendre, il l’accueillit à bras ouverts. Lorsqu’il découvrit que le fil du harpon retenait également un “livre d’explication du monde”, il la consola en lui lisant le passage où l’on apprenait que “l’eau qui tombe sur la terre rejoint les rivières, puis les fleuves et puis enfin se jette dans toutes les mers du globe”. Il se pouvait donc très bien qu’un jour de ciel clair, Albertine goûte à nouveau le plaisir de se baigner dans l’eau de son enfance. En apprenant cette nouvelle, Albertine fut tellement heureuse qu’elle ne sentit même pas le harpon que le vieux marin venait de lui extraire du dos, ni le trou qu’il avait creusé autour d’elle pour que la mer vienne la reprendre.