Quand je lis les Mille et Une Nuits, je me retrouve dans plusieurs lieux à la fois : dans le désert avec Aladin – là où l’histoire se passe –, dans la chambre où Schéhérazade raconte au roi l’histoire d’Aladin – là où l’histoire est racontée pour la première fois –, et dans la pièce où je suis en train de lire – là où l’histoire m’est racontée personnellement–.
Les histoires de Schéhérazade ne sont pas gratuites. Elle les raconte autant pour reculer l'heure de sa mort que pour séduire le roi. Parfois, je lis des passages tellement prenants, qu’avant même de les avoir terminés, je me sens obligé de poser mon livre et de faire quelques pas. Comme s’il fallait – par ces quelques pas – que je donne à mon corps l’occasion de se promener lui aussi dans tous les espaces engendrés par ma lecture.

C’est par ce type de lecture physique que j’aimerais que l'on rentre dans mes récits. Je voudrais qu’en compagnie des trotteuses, le visiteur devienne un porteur d'histoires; qu'il se sente chargé de cette même présence qui nous accompagne quand on marche seul dans la rue, et qu'on regarde le monde qui nous entoure encore imprégné de l'histoire que l'on vient de lire.

Il existe neuf séries de dix trotteuses. Chaque série propose un parcours de onze stations dans un lieu imaginaire (À l'hôtel, En ville, Dans le cœur historique, Au cimetière, En pèlerinage, Le chemin de la prison, Au musée, Dans l'île, Au jardin des plantes). Les stations de chaque série nous plongent dans des endroits précis : dans onze chambres (à l’hôtel), sur onze tombes (au cimetière), devant onze églises (en pèlerinage), etc. L’histoire liée à chaque station est inscrite sur une fiche. Pour aller d’une histoire à un autre, il faut marcher un certain nombre de pas avec la trotteuse. On peut marcher où l’on veut; c’est à nous de voir on l’on va chercher la prochaine station. Chaque personne se déplace avec sa trotteuse dans son espace mental propre; ainsi plusieurs personnes, chacune avec une trotteuse proposant la visite «À l’hôtel», peuvent se retrouver en même temps dans la chambre 207, mais à des endroits différents du lieu d’exposition.